Dans la suite des posts sur le climat, je vais examiner quels sont les arguments présentés par les climatologues pour justifier leur conviction de la nature anthropique du réchauffement. Une des formules clé établie par le GIEC dans son rapport à destination des décideurs est la suivante
Most of the observed increase in global average temperatures since the mid-20th century is very likely due to the observed increase in anthropogenic greenhouse gas concentrations.
Traduction : il est très probable que la plus grande partie de l'augmentation de la température moyenne du globe depuis le milieu du XXe siècle soit due à l'augmentation observée de la concentration en gaz à effet de serre d'origine anthropique.
Tout d'abord, de quel réchauffement s'agit-il ? je ne vais pas entrer ici dans l'étude détaillée de la polémique sur la façon exacte dont la température moyenne de la Terre est mesurée, qui est tout sauf simple , et je me contenterai de reproduire les reconstructions de température telles qu'elles sont publiées par plusieurs organismes:
* le Goddard Institute for Space Studies (ou GISS) de la NASA
* la température HadCRUT reconstruite par le centre de recherche Hadley pour la recherche et la prévision climatique, et le Climate Research Unit de Grande bretagne (l'organisme dont est issu les emails piratés lors du "climategate")
* une reconstruction par l'Université d'Alabama à Huntsville (UAH), à partir de mesures de satellites sensible au rayonnement microondes , qui ne mesurent pas exactement la température du sol mais celle issue de la basse atmosphère (en réalité à l'endroit où la vapeur d'eau devient suffisamment peu dense pour que l'atmosphère soit transparente aux micro-ondes).
Ces courbes sont tracées à l'aide de l'outil plutot pratique fourni par le site woodfortrees . Notons que les données HadCRUT commencent dès 1850, alors que les données GISS commencent en 1880 et que les satellites ne commencent qu'en 1979. Notons aussi que ces courbes ne donnent pas réellement la température moyenne mais ce qu'on appelle l'anomalie, c'est à dire l'écart par rapport à une moyenne. L'avantage est que l'erreur commise est bien moins grande sur l'anomalie que sur la valeur moyenne absolue : en effet, supposons que tous les points de la terre varie de 1°C. La moyenne des anomalies sera exactement de 1°C, quel que soit la répartition des stations à la surface, même si la température moyenne globale est inconnue par manque d'un échantillonage complet à la surface de la terre. En revanche, l'anomalie calculée dépend de la période sur laquelle on évalue la "ligne de base" moyenne, qui différe un peu suivant les instruments. Pour les "recaler" j'ai retranché ( un peu "à l'oeil") 0,1 °C aux valeurs GISS et rajouté 0.2°C aux données UAH. Globalement, les courbes se ressemblent, même si en détail mois par mois, elle peuvent différer par plusieurs dixièmes de degré.
Il y a depuis quelques années des discussions homériques sur les sites climatosceptiques pour savoir si les méthodes statistiques de calcul des températures étaient correctes ou pas, et si les différents biais (en particulier celui du à l'urbanisation qui tend à "réchauffer" l'environnement des villes, et donc les stations climatiques), étaient bien corrigés. Je ne rentrerai pas dans le détail de ces batailles, mais je pense qu'on peut dire qu'il n'y a finalement jamais eu d'évidence que les courbes étaient très fortement biaisées : en revanche comme je disais différentes méthodes de calcul peuvent donner des résultats fluctuant par quelques dixièmes de degrés. Un des problèmes est par exemple que la pente trouvée par les satellites est inférieure à celle trouvée par les stations au sol, alors qu'on s'attendrait à l'inverse. Malgré tout, il apparait évident à l'oeil, et confirmé par une étude statistique, que la température a significativement monté pendant le XXe siecle.
Cependant il est tout aussi évident que cette montée n'a pas été régulière. Globalement, elle s'est accélérée entre 1900 et 1940, puis a marqué un plateau prononcé jusqu'en 1970 , puis a repris sa croissance, qui semble plutot s'etre ralentie depuis 10 ans. En réalité la pente depuis 10 ans est quasiment plate, mais vu les fluctuations, cela ne montre pas de manière définitive que le réchauffement s'est arrêté (la relative stagnation depuis 10 ans est un autre sujet de bataille homérique sur les sites consacrés au climat.... nous aurons l'occasion d'y revenir).
Les climatologues reconnaissent que la montée des températures n'est pas régulière, mais il attribuent ça à des mécanismes de variabilité spontanée rapide à l'échelle de quelques années (avec en particulier des oscillations océaniques du type "El Niño" très visible en 1998 en particulier, qui constitue le record de température de tous les enregistrements sauf celui du GISS.). La "doxa" climatique est cependant que ces variations s'annulent en moyenne au-delà de 30 ans, et que donc la moyenne lissée sur 30 ans est indicative des tendances à long terme.
Il paraitrait donc logique de représenter la pente de la courbe lissée sur 30 ans, mais curieusement, ce graphique n'est pratiquement jamais donné sur les sites de climatologie. Sur le site climate4you, très riche en données de toutes sortes (et de sensibilité plutot "sceptique"), on peut cependant voir cette courbe qui est la pente lissée sur 50 ans
Attention il ne s'agit plus ici de l'anomalie de température proprement dite mais de sa vitesse de variation : on distingue clairement les deux phases où la température a varié plus rapidement, et celles où elle a quasiment stagné. Notons que la vitesse de variation récente est effectivement plus grande que celle de 1900-1940, mais pas BEAUCOUP plus grande : en fait elle n'est pas SIGNIFICATIVEMENT plus grande que la période du début du siècle. Le message du GIEC est cependant : le réchauffement de la fin du XXe siecle (la deuxième bosse) est en majorité du à l'influence humaine. En revanche il ne dit rien de précis sur l'origine de la première phase de réchauffement. Cette phase est, selon les climatologues, essentiellement naturelle et pourrait s'expliquer par différents facteurs, dont une activité solaire plus forte que pendant le XIXe siecle et peut etre des oscillations naturelles.
Il faut néanmoins remarquer qu'il n'apparait nullement évident sur le graphique que le réchauffement récent soit très différent du précédent, et donc que la proposition qu'il ne peut être expliqué que par une influence humaine n'a rien d'EVIDENT à première vue. Il faut donc des arguments un peu plus sophistiqués que le simple examen statistique pour dire que ce réchauffement depuis la 2e moitié du XXe siècle "sort de l'ordinaire". Quels sont les arguments qui conduisent les climatologues à être aussi affirmatifs sur l'origine humaine de ce réchauffement ? comme nous allons le voir , essentiellement, la comparaison avec des simulations climatiques sur ordinateur, et en partie, la comparaison avec les reconstructions des températures passées.