Pendant que la conférence de Doha se poursuit dans une indifférence à peu près générale, un certain nombre de nouvelles sur le climat sont diffusées et reproduites dans les grands médias. Sur le forum futurasciences, votre serviteur n'a plus le droit de s'exprimer sur le climat, sauf quelques erreurs de manipulation de modérateurs étourdis acceptant des messages qui leur paraissent sensés, conduisant à des posts faisant des citations à des messages ... dont l'original est introuvable ! (il a été effacé peu après, dans la plus pure tradition soviétique consistant à "gommer" les opposants éliminés des photographies officielles.)
Quelques actus concernant le climat ont été publiées en rafale. L'une d'elle concerne la parution d'un article de Grant Foster et Stefan Rahmstorf , prouvant que les modèles climatiques estiment bien les températures, mais sous-estiment la montée des eaux. Comme preuve ces graphiques (pour le température, j'ai utilisé une image tirée du blog de Tamino (Grant Foster, un des co-auteurs de l'article )
et pour la montée des eaux :
La courbe rouge caractérise l’augmentation mesurée par satellite du niveau des mers en cm en fonction du temps. Elle est comparée aux données récoltées par des marégraphes (en orange). Les traits bleus et verts correspondent aux projections établies par le Giec, respectivement dans ses 3e et 4e rapports, sur la base de différents scénarios d’émissions de gaz à effet de serre. Les océans montent bien plus vite que prévu. © Adapté de Rahmstorf et al. 2012, ERL, Crédit : Futurasciences
Le message est clair : les températures sont bien reproduites par les modèles, mais pas la montée des eaux. Cependant, un examen un peu plus attentif des courbes conduit à nuancer cette vision.
D'abord, si on regarde la courbe des températures, on s'aperçoit que la courbe REELLE des observations, représentée en rose pâle, ne colle pas si bien que ça avec les modèles. On voit bien que depuis 10 ans, elle oscille au gré des variations océaniques (principalement l'ENSO) mais ne monte quasiment plus, un phénomène qui fait couler beaucoup d'encre et provoque des débats intenses entre climato réchauffistes, qui n'y voient qu'une fluctuation passagère, et climatosceptiques, qui y voient la preuve que le réchauffement s'est arrêté pour de bon (si vous me demandez mon avis, je réponds : je n'en sais rien, je ne parierais avec confiance sur aucune des deux assertions).
Mais bref, ce qui colle bien avec les modèles, ce sont non pas les températures réelles mais les températures "corrigées" des fluctuations, selon un autre travail de Foster et Rahmstorf, qui ont soustrait l'influence de l'activité solaire, des oscillations ENSO et des volcans pour arriver à une courbe bien plus régulière, croissant linéairement avec le temps. C'est la courbe en rouge vif, bien plus apparente sur le graphique que la courbe rose pâle des vraies températures.
Cependant, il faut garder un peu de distance avec cette courbe. Notons qu'il est inhabituel en sciences de présenter le résultat d'une "correction" qui n'est pas très bien validée de façon plus apparente que les données brutes : c'est toujours un peu suspect. La courbe rouge est le résultat d'une procédure mathématique visant à "effacer" l'influence des oscillations de court terme, mais ça reste un "magouillage" qui peut introduire lui même des artefacts.
Pourquoi? parce que Grant et Foster calculent l'influence des oscillations et des volcans en POSTULANT que la courbe de température se met sous la forme d'une croissance linéaire A*t + B ,PLUS un coefficient proportionnel à l'activité solaire, PLUS un coefficient proportionnel à l'indice ENSO , PLUS un coefficient proportionnel aux volcans. Ils cherchent ensuite par une régression linéaire les meilleurs coefficients , puis ils soustraient ensuite les oscillations naturelles. Par cette méthode, ils sont certains de finir avec une loi proche de la loi linéaire, puisqu'ils l'ont imposée au départ. Le danger c'est que si il y avait une courbure dans les données, elles pourrait être incorporée dans les indices oscillants (l'ENSO en particulier qui ne semble pas avoir la même intensité depuis les années 2000 que pendant les années 90)... puis soustraite par le traitement, et devenir ensuite invisible. Ainsi ce petit "trafic" mathématique va tendre à effacer de la courbe tout signe d'inflexion, même réel ! Au vu des écarts de la courbe réelle avec la courbe corrigée, il semble prématuré de considérer comme "prouvé" que la température continue réellement à grimper, étant donné que basiquement le traitement mathématique appliqué serait incapable de montrer l'inverse, si ça arrivait, au moins sur le court terme. Bien sûr si les températures continuent à stagner, la pente va finir par devenir moins forte, mais vu l'éventail assez large des modèles, on est tranquille pour quelques décennies pour dire que les modèles ont "bien prédit" une hausse ... qui reste toujours quand même une fraction de °C ! Notons par ailleurs qu'il me semble incorrect de comparer les données avec l'éventail de tous les scénarios d'émission possible, alors qu'on connait lequel a été suivi depuis 1990. Si le but est de valider la sensibilité des modèles, il faudrait ne comparer qu'aux scénarios reproduisant les courbes d'émission déjà connues. Or les émissions ont été plutôt dans la fourchette haute (ce qui ne veut absolument pas dire qu'elles vont le rester dans les 100 ans qui viennent, contrairement à ce que prétendent beaucoup de climatologues !!) : il faudrait donc comparer les données avec la fourchette haute des simulations, et l'accord serait alors moins bon.
La petite manipulation mentale habituelle consiste ensuite à extrapoler sur un ordre de grandeur, en disant en gros "puisque quand on corrige à notre sauce des données pour les comparer à des modèles de toutes façons assez imprécis , et que ça colle à peu près, vous pouvez nous croire pour les 100 ans à venir !"
pour la montée des eaux , on note une petite curiosité cosmétique : le zéro des modèles est pris en 1990, mais pas celui des données ! il n'y a aucune raison claire à cela, pour les températures , ils ont bien calé les zéros au même endroit. Ce n'est donc pas un problème de lisibilité de la figure, qui conduirait à décaler les courbes pour éviter qu'elles se mélangent : celle des températures est tout à fait lisible.
J'ai fait des remarques d'abord en MP à Yves25, climatologue "officiel" sur FS, puis j'ai tenté de poster ces remarques, qui n'ont pas été validées. Je les reproduis in extenso afin que le lecteur puisse être juge de ce qui est considéré comme "politiquement incorrect" , voire du "trollage", sur Futurasciences
je me suis posé la même question que Bioben (posée d'ailleurs d'abord en MP à Yves), et je n'ai pas compris les réponses : pour tracer les observations, il faut bien choisir une date pour le zéro, donc comment a-t-elle été choisie, et pourquoi pas en 1990 ?
une différence de 1 cm sur le total n'est quand même pas du tout négligeable par rapport à l'écart, ce n'est pas "un quart de poil de mouche" mais pratiquement 50 % de la différence : je suis très étonné que quelqu'un d'aussi pointilleux sur la statistique que Grant Foster (Tamino sur le blog "OpenMind") n'explique pas mieux comment il a procédé, surtout après toutes les affaires en particulier sur "l'arrangement" de certaines courbes. Il me semble que soustraire 1 cm dans la différence rendrait les observations plus compatibles avec les intervalles d'erreur.
D'autre part même si l'article dit que la période est trop courte pour mesurer une accélération , il semble aussi à l'oeil que l'accélération n'est pas dans le sens prévu par les modèles (ça semble plutot décélerer puisque sur la courbe du JPL les derniers points sont en dessous de la droite moyenne). Or les modèles de Rahmstorf qui prévoient une hausse supérieure aux prévisions du GIEC impliquent forcément une accélération plus importante ...
par ailleurs je suis un peu surpris de cette assertion
[quote] Les océans se seraient ainsi élevés de 3,2 mm par an ces 5 dernières années[/quote]
si on regarde la courbe du JPL encore une fois
http://sealevel.colorado.edu
on voit que
* la pente est 3.1 mm/an et non 3.2 mais c'est un détail.
* mais elle inclut la compensation isostatique (contrairement à il y a quelques années), qui soustrait l'influence du rebond post-glaciaire, qui provoque un effet inverse d'environ - 0.3 mm /an : la montée réelle est donc plutôt de 2.8 mm/an
* et surtout cette pente est calculée sur 30 ans et non sur les 5 dernières années : on voit que de 2007 à 2012, la courbe est plutot passée en dessous de la droite moyenne, en partant du dessus. La pente sur 5 ans doit donc être logiquement inférieure , peut etre 2.5 mm/an, mais pas 3.2. Le fait qu'il y ait une légère décélération est montrée par le fait que la pente moyenne a repris la même valeur qu'en 2009, mais en 2009, on ne faisait pas la correction du rebond post-glaciaire, donc en réalité elle a baissé d'environ 10 % en 5 ans. Ca ne semble donc pas corroborer une accélération supplémentaire.
Les remarques que je faisais sur la compensation isostatique sont un peu techniques et je ferai un post plus complet sur le problème de la montée des eaux, mais je signale sur le même sujet un post sur le blog Watts Up With That, alertant sur l'imprécision des calibrations des mesures par satellite du niveau des mers et de la fonte des calottes glaciaires.