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Cette série de pages a pour but de présenter de manière simplifiée la problématique du climat et de l'effet de serre, en essayant de préciser le mieux possible ce qui ressort de la physique bien comprise, des phénomènes encore incertains, et des inconnues. N'étant pas climatologue, ces pages présenteront surtout ma compréhension actuelle de ces phénomènes. Ma vision ne sera pas considérée comme "orthodoxe" par beaucoup, en particulier j'expliquerai pourquoi pour moi un certain nombre de phénomènes sont plus incertains que ce qu'on en pense généralement. Les posts relatifs au climat seront l'occasion d'en discuter.

 

Commençons par nous poser une question simple : pourquoi la Terre a la distribution de température qu'on lui connait ? la réponse est simple en ordre de grandeur : c'est parce qu'elle est chauffée avec une certaine puissance par le Soleil. En revanche, elle devient très compliquée dans les détails si on essaye de comprendre pourquoi elle a précisément cette température.

 

Nous allons tenter de présenter aussi simplement que possible les principes physiques en jeu, sans pouvoir éviter quelques détails mathématiques. Nous partirons d'un modèle extrêmement simplifié de la Terre, avec un calcul qu'on fait couramment dans les premières années d'Université : la température qu'aurait la Terre si elle était une sphère infiniment conductrice, de température constante sur toute la surface (ce qu'elle est loin d'être évidemment). Puis nous compliquerons petit à petit la description. 

 

La seule loi dont nous aurons vraiment besoin pour le moment est celle dite du corps noir (les lecteurs ayant des connaissances suffisantes en physique, niveau licence ou plus,  peuvent probablement sauter totalement cette partie).

 

 

Un corps noir est un corps qui a la propriété d'absorber intégralement tout le rayonnement incident (il s'agit ici de rayonnement électromagnétique, qui comprend la lumière visible mais aussi toutes les formes analogues à la lumière mais non visibles à l'oeil nu : ondes radio, infrarouge, ultraviolet, rayons X ..., qui correspondent à différents domaines de longueur d'onde). Cependant contrairement à ce que son nom laisse penser, un corps noir à une certaine température ne peut être réellement noir, au sens où il n'émettrait rien du tout : il ne peut pas ne pas émettre de rayonnement propre. Sinon il absorberait indéfiniment le rayonnement qui lui arrive et sa température croîtrait à l'infini. Bien au contraire , il doit émettre un rayonnement propre caractéristique, qui est appelé ... rayonnement de corps noir.

 

Pour caractériser un rayonnement, il faut décrire sa distribution spectrale. La distribution spectrale consiste à mesurer la puissance émise dans chacune des fréquences (ou des longueurs d'onde) possible du rayonnement électromagnétique, et pas seulement à la puissance totale. La lumière est une superposition de différentes fréquences , qui dans le visible correspondent à différentes couleurs. Les longueurs d'onde (la distance entre les "vagues" de l'onde) varient de 0,4 micromètre ( 1 micromètre = 1 millième de mm = 10^-6 m) à 0,8 micromètre quand on va du violet au rouge. Les longueurs d'onde plus courtes correspondant à l'ultra-violet, celles plus grandes à l'infra-rouge.

 

On peut faire l'analogie avec le son, qui est aussi une onde de nature différente (c'est une onde de pression dans un milieu matériel comme l'air), et qui est aussi une superposition de différentes fréquences qui correspondent aux notes pures. La différence entre la puissance totale et la distribution spectrale, c'est la même différence qu'entre dire "cet orchestre joue tres fort" , et "cet orchestre joue un bel accord de La mineur 7e - ou encore plus précisément , les violoncelles font un beau La, les violons un ut, les clarinettes un Mi (un peu trop fort), les hautbois un sol ...). C'est précisément cette distribution spectrale qui a une forme très précise pour un corps noir. 

 

A l'aide de raisonnements thermodynamiques subtils, les physiciens de la fin du XIXe siecle avaient établi un certain nombre de contraintes sur la forme de ce rayonnement :

 

 

* il doit être le même dans toutes les directions (isotropie)

* il n'est pas polarisé (la polarisation de la lumière est due au fait que l'onde lumineuse peut "vibrer" dans deux plans perpendiculaires possibles par rapport à la direction de la propagation - ici il y a autant d'énergie émise dans chacun des plans).

* ses caractéristiques sont indépendantes de la nature chimique et de la forme du corps noir, et ne peuvent dépendre que d'une quantité et d'une seule : sa température. Autrement dit tous les corps noirs à une certaine température émettent exactement le même rayonnement. Ces propriétés - loin d'être triviales- sont indispensables pour éviter des paradoxes où deux corps noirs voisins à la même température verraient spontanément une différence de température apparaître entre eux, ce qui contredirait le second principe de la thermodynamique.  

 

Le problème est que si ces physiciens avaient montré que le rayonnement du corps noir ne dépendait que de sa température, ils étaient en revanche incapables de décrire précisément ses caractéristiques ! ce fut un problème fondamental de la fin du XIXe siecle, qui ne put être résolu par Planck que par l'introduction d'une idée bizarre : que le rayonnement ne pouvait etre échangé que par des échanges de "paquets" discrets d'énergie ou "quanta" (qu'Einstein baptisera plus tard "photons"). C'etait en réalité l'idée fondatrice de la mécanique quantique, une des théories les plus fondamentales et les plus étranges de la physique , avec la Relativité. Le problème du corps noir allait donc bien au delà du simple problème de la température de la Terre....

 

Il n'est nul besoin de donner les détails du spectre de Planck , il suffit d'en donner deux caractéristiques essentielles, d'ailleurs connues avant Planck :

* la loi de Stefan qui dit que la puissance totale émise par unité de surface (par exemple par m^2) est proportionnelle à la puissance quatrième de la température, ce qui s'écrit mathématiquement 

dP/dS = σ T^4 

où σ est une certaine constante appelée constante de Stefan, et valant numériquement 5,67. 10^-8 W/m^2/K4 (Stefan ne pouvait pas calculer cette valeur sans la mécanique quantique, mais nous savons la justifier maintenant). T est la température en Kelvin, c'est à dire par rapport au zéro absolu. Il faut rajouter 273,15 à la température ordinaire en °C : T (K) = t(°C) +273,15

* la loi de Wien (là encore connue expérimentalement avant Planck, mais démontrée ensuite par celui-ci) : la distribution de rayonnement est une courbe en cloche, dont le maximum se trouve à une certaine longueur d'onde , qui , comme toute la courbe, ne dépend que de la température du corps noir, et lui est simplement inversement proportionnelle

λ = C/T où C = 0.30 cm.K^-1 est la constante de Wien. 

 

Cette loi est très importante pour comprendre comment un corps noir apparait visuellement. A 3 K (température moyenne de l'Univers avec le "bruit de fond cosmologique), le maximum se trouve à 1 mm, qui est le domaine des ondes radio millimétriques : le rayonnement cosmologique n'est détectable que par des radio télescopes. A 300 K, soit environ 30 °C, qui est proche de la température de la Terre, le maximum se trouve vers 10 micromètres, c'est le domaine de l'infrarouge. Un corps noir à la température ordinaire est donc bien ... noir , il n'emet pratiquement pas de rayonnement visible. A partir de quelques centaines de °C, il va commencer à emettre une faible lueur rougeoyante, puis luit de plus en plus fort et avec une couleur virant au rouge, puis à l'orangé, puis au jaune et au blanc. A environ 6000 K, qui est la température superficielle du Soleil, on a une émission franchement visible - ce qui n'est nullement un hasard car nos yeux se sont adaptés biologiquement pour voir la lumière du Soleil ! 

 

Les caractéristiques du rayonnement de corps noir peuvent être illustrées par la représentation de son "spectre", c'est à dire de la puissance émise en fonction de la longueur d'onde. Voici une figure (tirée de wikipedia) illustrant les spectres à plusieurs températures, montrant à la fois que la puissance totale augmente et la longueur d'onde du maximum diminue quand T augmente.

 

 

 

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Rayonnement de corps noir à différentes températures (source : wikipedia). La courbe "classique"  en noir (loi de Rayleigh Jeans) etait incorrecte et donnait une puissance infinie. Le domaine de lumière visible par l'oeil se trouve dans l'intervalle entre 400 et 800 nm environ : les longueurs d'onde inférieures sont dans le domaine de l'ultra-violet, les longueurs d'onde supérieures dans celui de l'infra-rouge.

 

 

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