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Après avoir rappelé dans une première partie quelques lois fondamentales du rayonnement, je vais commencer à présenter petit à petit la façon dont nous pouvons comprendre la température superficielle de notre planète. Le premier modèle est extrêmement simple, et est couramment traité en exercice dans les cours de physique et d'astronomie à l'Université. Il consiste à faire l'approximation très grossière d'une Terre de température uniforme sur toute sa surface, ce qui serait le cas si elle était infinimement conductrice (comme une grosse boule de cuivre, ou mieux, de supraconducteur ! ). La Terre est essentiellement chauffée en surface par le rayonnement solaire (le flux géothermique provenant du manteau, essentiellement entretenu par la désintégration progressive des éléments radioactifs qu'elle contient depuis sa naissance, a une contribution mesurable mais très faible, que nous négligerons).

 

Le principe gouvernant le calcul de sa température d'équilibre est simplement d'écrire que :

 

puissance absorbée par sa surface = la puissance qu'elle réémet dans l'espace.

 

Prenons une autre hypothèse simplificatrice : qu'elle se conduit comme un corps noir, c'est à dire qu'elle absorbe tous les rayonnements incidents, ce qui implique, comme nous l'avons vu, qu'elle émet également une puissance caractéristique par unité de surface donnée par la loi de Stefan.

 

Il suffit alors de calculer les puissances incidentes et réémises pour trouver la température.

 

La puissance qu'elle reçoit du Soleil dépend de sa distance à celui-ci. Les lois de la Mécanique céleste nous apprennent que son orbite est une ellipse, et que sa distance varie entre un maximum ou aphélie Ra et une minimum ou périhélie Rp.

 

Ra et Rp peuvent s'exprimer en fonction de deux autres grandeurs géométriques, le demi-grand axe a et l'excentricité e, suivant les relations 

Ra = a (1+e)

Rp = a (1-e) 

 

pour la Terre, a définit ce qu'on appelle "l'unité astronomique" ou u.a., très couramment utilisée par les astronomes pour mesurer les distances dans le système solaire (ou celles des planètes extra-solaires à leur étoile). Numériquement, a est très proche de 150 millions  de km , soit 1,5. 10^8 m 

 

L'excentricité de l'orbite terrestre vaut e = 0,0167 soit 1,67 %. Cette faible valeur signifie que Ra est proche de Rp, et donc que l'ellipse est en fait proche d'un cercle. Cependant la variation n'est pas complétement négligeable, les deux différant d'environ 3 %. Je ferai quelques remarques à ce sujet un peu plus tard.

Pour le moment, nous allons ignorer l'excentricité et supposer que l'orbite est simplement un cercle de rayon a , une unité astronomique.

Pour évaluer la puissance arrivant sur la Terre, il est utile d'introduire une quantité fondamentale : le flux d'énergie, c'est à dire la puissance reçue par unité de surface (c'est à dire sur un m^2) , en provenance du Soleil, à la distance de la Terre. C'est la puissance que recevrait un panneau solaire de 1 m^2 placé perpendiculairement à la direction du Soleil. Le "perpendiculairement" est important, car si le panneau fait un angle θ avec la direction du Soleil, la puissance est réduite par un facteur cos θ.

 

Pour une incidence perpendiculaire, ce flux, à la distance de la Terre,  définit ce qu'on appelle la constante solaire. Assez curieusement, sa valeur n'est pas si bien connue que ça. Des mesures donnaient des valeurs entre 1366 et 1370 W/m^2, mais des résultats plus récents par le satellite SORCE, lancé pour réduire les incertitudes, n'a fait qu'apporter une nouvelle perplexité  en indiquant des valeurs plus faiblesd'environ 1361 W/m^2. La différence (5 sur 1300 ) peut paraitre minime, mais il faut savoir qu'elle est largement supérieure, par exemple , au déséquilibre radiatif actuel prévu par les modèles climatiques, ce qui fait que la vérification expérimentale directe de ce déséquilibre est, pour l'instant, impossible, la précision sur le flux incident n'étant pas suffisante.

 

A noter que cette valeur doit redonner la luminosité solaire si on la multiplie par la surface entière de la sphère de rayon a. On a donc :

 

Lsol = Csol*4 π a^2 = 3,8 . 10^26 W 

(une centrale nucléaire a une puissance thermique d’environ 3 GW (pour 1 GW électrique), soit 3.10^9 W. Le Soleil émet donc autant de puissance qu'environ 10^17, soit 100 millions de milliards de centrales nucléaires).

 

 

 

 Evidemment la Terre est sphérique, et justement donc, sa surface n'est pas partout orientée perpendiculairement au Soleil (un détail qu'un célèbre géophysicien - et climatosceptique, Vincent Courtillot, aurait un peu oublié dans un de ses articles, ce qui lui vaut désormais le surnom un peu ironique de "chevalier de la Terre Plate", mais l'erreur est humaine ... et nous verrons que les climatologues peuvent être parfois aussi un peu "terraplatistes" quand il s'agit d'évaluer les réserves fossiles, mais ne dérivons pas).

 

Néanmoins, il y a une manière élégante d'oublier la sphéricité de la Terre dans le calcul, c'est de remarquer qu'elle intercepte exactement le même rayonnement qu'un disque plat de rayon Rt (le rayon de la Terre), placé perpendiculairement au Soleil. La surface de ce disque est π.Rt^2, c'est ce qu'on appelle la "section efficace" : A noter que ce n'est PAS la surface de la Terre elle-même, qui est 4 fois plus grande.

 

En conséquence, l'insolation moyenne de la surface Terrestre n'est que 1/4 de celle qui aurait lieu si le Soleil était partout perpendiculaire au sol (c'est à dire si le Soleil était partout au zénith, ce qui est naturellement impossible). La moitié de ce facteur 4 vient de l'alternance jour-nuit, l'autre moitié vient de la valeur moyenne de l'angle d'inclinaison qui varie entre l'équateur et le pôle. Au total, la Terre reçoit en moyenne par unité de surface Csol/4 = 340 W/m^2. 

 

Si on suppose la Terre isotherme, le calcul est alors assez simple : la puissance reçue doit être égale à celle réémise , qui est donnée par la loi de Stefan, par unité de surface :

σ T^4 = Csol/4 = Lsol/(16π.a^2) 

d'où Teq = [Lsol/(16 π σ a^2)]^(1/4)

le calcul numérique fournit 

Teq = 278 K = 5 °C 

Cependant, nous avons oublié un phénomène important dans le calcul, c'est que la Terre n'est pas un corps noir. Elle réfléchit une partie non négligeable de la lumière incidente, soit dans l'atmosphère (par les nuages), soit par le sol, avec un coefficient appelé l'albedo, qui dépend de la nature de la surface (c'est pour ça qu'on la voit briller de l'espace , de la même façon que la Lune et les planètes sont éclairées par le Soleil). Les surfaces glacées ou enneigées,  blanches et brillantes, ont un albedo bien plus grand que les surfaces sombres. L'estimation est complexe, mais on estime que sur 340 W/m^2 incidents, environ 100 sont directement réfléchis, ne laissant que 240 W/m^2 absorbés par le sol et l'atmosphère (2/3 - 1/3 environ). L'albedo moyen A est le rapport de la fraction réfléchie sur l'incidente

A = 100 /340 = 0,32 environ

 

le calcul doit être donc modifié en remplaçant la constante solaire Csol par Csol(1-A) , ce qui donne finalement :

 

 Teq = [(1-A).Csol/4]^(1/4) = [(1-A).Lsol/(16 π σ a^2)]^(1/4)

 

soit numériquement


Teq = 252 K = - 21 °C

 

En réalité il faudrait aussi tenir compte du fait que la Terre n'émet pas non plus comme un corps noir, dans la partie du spectre émis (l'infrarouge). Mais elle est plus proche du corps noir dans l'infrarouge que dans le visible, et on peut garder cette approximation pour le spectre émis.

 

 

Cette valeur, bien qu'elle ne soit pas déraisonnable en ordre de grandeur,  est nettement plus faible que la valeur observée, qui est autour de 15 °C (ou 288 K). L'explication de la différence tient précisément dans la présence de gaz à effet de serre dans l'atmosphère terrestre. Mais avant d'aborder ce point, il est instructif de faire une autre évaluation : celle de la Terre totalement isolante. 

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