Suite au post précédent, je vais donner quelques indications supplémentaires sur les problèmes posés selon moi par la justification des modèles climatiques. Je reprends la figure du rapport du GIEC présenté dans le post précédent, et comparant le résultat des simulations avec ou sans influence anthropique :
et en particulier, quelque chose que je n'ai pas encore mentionné, qui se trouve dans le texte du chapitre du GIEC présentant cette figure :
"The simulated global mean temperature anomalies in (b) are from 19 simulations produced by five models with natural forcings only. The multi-model ensemble mean is shown as a thick blue curve and individual simulations are shown as thin blue curves. Simulations are selected that do not exhibit excessive drift in their control simulations (no more than 0.2°C per century). "
traduction
"Les anomalies présentées dans les températures globales moyennes simulées en (b) sont tirées de 19 simulations produites par cinq modèles avec des forçages naturels seulement. La moyenne de l'ensemble des multi-modèles est montrée par la courbe épaisse bleue, et les simulations individuelles comme des courbes bleues fines. Les simulations sont sélectionnées pour qu'elles ne montrent pas de dérives excessives sur leur simulations de contrôle (pas plus de 0,2°C par siècle)"
Pas de dérive excessive sur les simulations de contrôle ... ?
c'est quoi cette histoire de dérive ?
Cette histoire de dérive, c'est quelque chose qui a toujours empoisonné les modèles climatiques. Les modèles climatiques résolvent les équations de la physique en traitant des flux d'énergie incidents et émis par la Terre, et des transferts d'énergie à sa surface On peut supposer que les équations de la physique sont suffisantes pour avoir une description précise du système. Cependant, outre le fait que les équations sont nécessairement simplifiées et ne représentent qu'approximativement la réalité, il y a toujours un problème quand on fait des simulations. Il faut choisir est l'état qu'on met au départ de la simulation, pour démarrer le calcul, ce qu'on appelle les "conditions initiales". Ce qui suppose de bien connaitre l'état de la Terre au moment où on démarre le calcul, c'est à dire, ici, en 1900. C'est bien évidemment impossible.
En réalité, le problème n'est pas très important pour l'atmosphère, car personne n'a prétendu simuler l'état exact du temps qu'il fait à chaque moment, ou même l'état de chaque année. On comprend bien que l'état exact de la terre est fluctuant et que ce n'est qu'un état statistique qu'on va calculer, qui ne dépend que des flux d'énergie qu'on y met , mais pas de l'état initial. L'atmosphère perd très vite la mémoire des conditions initiales, en quelques semaines (ce qui rend justement les prédictions météos si difficiles et même impossibles après ce stade). en revanche, les conditions moyennes sont bien déterminées. C'est l'argument présenté par les climatologues pour contredire l'argument parfois hativement présenté chez les sceptiques : vous n'êtes même pas capable de déterminer le temps qu'il va faire dans un mois et vous prétendez le faire dans plusieurs décennies ! il est tout à fait exact que les fluctuations peuvent avoir de l'importance sur le court terme, mais pas sur le long terme. PEUVENT avoir , à une condition : c'est que le système n'ait justement pas des comportements qui peuvent varier sur le long terme.
Or , très malheureusement, ce n'est pas vrai pour le climat, et la raison en est la présence et l'importance des océans sur la Terre. En effet, les transferts d'énergie à la surface de la Terre sont gouvernés par une interaction complexe entre atmosphère et océans, et ces derniers transportent une quantité d'énergie considérable des régions équatoriales, chauffées au maximum par le Soleil, et les régions polaires. Une caractéristique très importante des océans est la circulation thermohaline, qui est due à une interaction complexe entre la salinité et la température de l'eau de mer. Basiquement, l'eau chaude et salée arrivant dans les régions polaires se refroidit, devient plus dense, et se refroidit tout en se diluant. Elle plonge donc dans les profondeurs en devenant moins salée, puis se retrouve vers les régions équatoriales où en se réchauffant au contact thermique des eaux superficielles, elle devient moins dense à cause de sa salinité plus faible et remonte à la surface. Le circuit exact est compliqué et résulte du couplage entre plusieurs bassins océaniques et donc de la forme exact des continents et des océans sur la Terre. L'ensemble du circuit est souvent décrit par le joli terme de "tapis roulant océanique".
Ce qui est important, c'est le temps caractéristique que les eaux mettent à faire un tour complet : environ 1000 ans. C'est un temps très long par rapport à celui de l'atmosphère, et il se retrouve dans les simulations climatiques. Contrairement à l'atmosphère, l'état de l'océan est inconnu et ne relaxe pas rapidement vers un état moyen. Si il est mal choisi au départ, il mettra des siècles ou des millénaires à se stabiliser. Ceci se retrouve sur les modèles numériques : sans contrainte particulière, une initialisation quelconque produit une "dérive" qui peut se faire sur des siècles et sur plusieurs dixièmes de degrés, voire plusieurs degrés.
Il faut bien comprendre que les transferts d'énergie entre latitudes sont fondamentaux et ont un impact important sur la température superficielle. Nous avons illustré en introduction l'importance qu'avaient les hypothèse sur la conduction thermique de la Terre pour calculer sa température moyenne, meme en fixant l'insolation. Au pire, le résultat peut varier de 100 °C ! bien sûr la Terre n'est ni parfaitement conductrice, ni parfaitement isolante, mais justement les océans déterminent en grande partie sa "conduction thermique", et toute variation de cette circulation peut facilement entrainer des variations mesurables de la température moyenne.
C'est très gênant, parce que ça veut dire que le climat se met à varier tout seul sans qu'on ait rien changé aux conditions d'eclairement et aux forçages ! les climatologues considèrent majoritairement que ces dérives sont artificielles, "spurieuses", et ne sont qu'un artefact des simulations numériques, et doivent être "éliminées". Pour cela, ils font des simulations de controle sans rien changer aux conditions externes (Soleil, volcans, forçages anthropiques...), et sélectionnent les conditions qui dérivent le moins possible. Il s'agit réellement d'une sélection sur un critère a priori. Et ensuite, à partir de ces solutions, elles rajoutent des variations de forçage et calculent la variation de température correspondante.
Que dit donc la courbe bleue ? elle dit en substance : si on suppose qu'il n'y a pas de variation spontanée de la température, alors les variations de forçage naturels identifiés (Soleil et volcans essentiellement) ne peuvent pas expliquer la variation observée de température. Une telle méthodologie ne peut évidemment pas prouver qu'il n'y a pas de variation spontanée. Très curieusement cependant, les résultats des modèles ont souvent été présentés comme une preuve de l'absence de variabilité sur le long terme, par exemple ici
avec ce commentaire :
"As you can see, over periods of a few decades, modeled internal variability does not cause surface temperatures to change by more than 0.3°C, and over the entire 20th Century, its transient warming and cooling influences tend to average out, and internal variability does not cause a long-term temperature trend."
"Comme vous pouvez voir, sur des périodes de plusieurs décennies, la variabilité interne modélisée ne cause pas des changement de température supérieurs à 0,3°C, et sur le l'ensemble du XXe siecle, les chauffages et refroidissement transitoires tendent à se moyenner et la variabilité interne ne cause pas de tendance sur le long terme".
Cette conclusion est à mon avis totalement erronée, étant donné que ces simulations ont été sélectionnées pour ne pas montrer ces dérives, il est totalement incorrect d'en deduire quoi que ce soit. Il est faux de dire que c'est un trait générique des modèles de ne pas montrer ces dérives, bien au contraire : c'est un trait générique des modèles de les montrer, et il faut faire des acrobaties et des sélections soigneuses pour les éliminer.
Mais y a-t-il une raison précise de penser qu'il est effectivement totalement impossible que le climat puisse varier spontanément à l'échelle du siècle, sans variation de forçage ? sauf erreur, ça n'est clairement expliqué nulle part dans les travaux des climatologues, et il est même souvent sous-entendu que ce n'est pas le cas. En réalité, ces fluctuations océaniques ont au contraire probablement joué un rôle essentiel dans les fluctuations passées, y compris les épisodes récents (pour la géologie) du dernier millénaire, alternant optimum médiéval, petit âge glaciaire, et sortie du petit âge glaciaire depuis le XIXe siecle. Je ferai dans la suite quelques considérations générales sur la variabilité spontanée des systèmes complexes.