Si la Grèce a été historiquement une des civilisations ayant le plus compté dans la formation de la culture européenne, elle pourrait malheureusement être aussi un modèle du futur de notre société. La finance mondiale a les yeux rivés sur ce petit pays méditerranéen, qui menace toute la zone euro de sa faillite. Derrière lui, le Portugal, l'Espagne, peut-être l'Italie, et pourquoi pas la France, se voient menacés à plus ou moins court terme d'un sort analogue.
De quoi souffre ce pays? "bêtement", oserais-je dire, d'une crise de surendettement, comme un ménage asphyxié par les nombreux emprunts qu'on lui a trop généreusement consenti. Mais pourquoi devient-on surendetté ?
Un endettement, c'est d'abord et avant tout un pari sur l'avenir. L'emprunteur estime qu'il va gagner A dans le futur, mais aimerait disposer un peu plus tot de la richesse qu'on lui promet. Il s'arrange donc avec un prêteur , qui lui pense gagner B, pour qu'il lui transfère une partie de son gain, en le remboursant avec interêt. Il est de bon ton de se plaindre des taux d'interêt, mais c'est quand même la moindre des choses : après tout B se dessaisit d'une partie de son pouvoir de consommation ou d'investissement qui aurait pu lui rapporter, et donc il est normal qu'il soit payé en retour, sans même compter l'inflation qui va diminuer la valeur des remboursements futur. Donc au total l'emprunteur accepte de gagner un peu moins à la fin, A'<A , mais a eu le plaisir de profiter plus longtemps de sa consommation. Pour le prêteur c'est l'inverse.
En réalité, si B est une banque, ce n'est pas tout à fait ça qu'il se passe, parce que B ne renonce à aucune consommation du tout ! elle ne prend en effet l'argent nulle part, elle le crée ex nihilo comme la loi l'autorise tout à fait légalement , en créditant le compte de l'emprunteur, sans débiter personne ! et il sera ensuite redétruit par le remboursement. Ce système parait ahurissant mais il est en réalité tout à fait adapté à l'économie moderne : il assure la création et la destruction perpetuelle de la masse monétaire, ce qui permet de l'ajuster en souplesse à l'économie réelle, en particulier de contrôler l'inflation en ouvrant et fermant le robinet du crédit. Certains pensent voir dans ce système l'origine de tous les maux de l'économie, mais il a fonctionné en fait parfaitement pendant un siècle en assurant une croissance sans équivalent dans l'histoire de l'humanité. Si il a un défaut, ce n'est donc certainement pas d'être inefficace !
Alors où est le problème? le problème, c'est comme je disais , c'est que ça comporte un pari sur l'avenir : que le débiteur va pouvoir rembourser le créancier ! et donc il prend un certain risque, et le créancier aussi. Si le débiteur fait faillite, il va falloir que quelqu'un paye à sa place. Ce sera le créancier qui a perdu l'argent prêté - ou si un état compatissant crée de la monnaie juste pour le rembourser, ce sera l'ensemble de la population qui se cotisera par l'inflation créée par cette somme supplémentaire non détruite, qui augmentera finalement la masse monétaire , et donc diminuera le pouvoir d'achat de la monnaie.
Le surendettement est, tout simplement , un pari raté.
Est ce la faute de l'emprunteur qui a eu les yeux plus gros que le ventre? au créancier qui lui a trop fait confiance ? à la société qui n'a pas su mettre des règles? chacun pensera comme il veut, mais le pari est raté, et il faut payer. Il faut payer parce qu'on a en fait autorisé quelqu'un à dépenser plus que ce à quoi il avait droit, il a mangé plus que sa part, et du coup, il faut que quelqu'un se dévoue pour abandonner une partie de la sienne.
Voilà, les Grecs, pris dans l'euphorie de leur adhésion à l'union européenne et à l'euro, ont cru qu'ils pourraient dépenser plus et on les a crus. A tort. Et il faudra qu'on paye à leur place, d'une manière ou d'une autre.
Parce que comme le surendettement est dû à une croissance insuffisante du revenu qui aurait pu payer l'emprunt, le surendettement des pays est dû à une croissance économique insuffisante. On n'a juste pas produit les richesses supplémentaires qu'on pensait. Dommage. La seule solution à la dette, c'est la relance de la croissance, tous les économistes le serinent. Parce que le seul problème, c'etait l'absence de croissance.
Oui mais ... pourquoi elle redémarre pas, cette satanée croissance ? ben à cause de la crise. La crise? ben oui, la crise du crédit. Ah mais .. encore une crise du crédit? mais pourquoi y a-t-il eu une crise de crédit ?
Alors voilà le point bizarre. Ce qui s'est passé juste avant, c'est un phénomène inattendu, la flambée du baril et corrélativement, le plafonnement de la production pétrolière. Phénomène que seuls quelques hurluberlus avaient annoncé, auquel personne ne croyait. Mais non, le pétrole , y en a plein sous terre, pour 40 ans au moins, et depuis le temps qu'on nous annonce sa fin.....
Sauf que le pétrole, c'est de l'énergie, des transports, c'est le sang de l'activité industrielle. Et si le pétrole plafonne, on est gêné pour faire croître la richesse. On trouve encore des doctes économistes pour nous dire que ça n'a rien à voir, que l'économie n'a plus besoin d'énergie .... la coïncidence est quand même plus que troublante !
Mais enfin, dira-t-on, on n'a jamais été en manque de pétrole ! les pompes n'ont jamais été à sec ! il n'y a jamais eu de queues au pompes à essence ! Non, il n'y en a pas eu, et il n'y en aura jamais. Pour une raison très simple, les stocks pétroliers sont amplement suffisants pour éviter toute disruption, sauf conflit majeur au Moyen Orient (pas exclu par ailleurs mais on n'y est pas encore). Ce qu'il s'est passé, c'est une tension croissante sur les prix, les menaces d'une reprise de l'inflation, le relèvement des taux d'interêts, et des ménages américains eux aussi "surendettés", pris à la gorge entre des prix croissants de l'énergie, des taux immobiliers indexés sur les taux du marché, la baisse d'activité entrainée par ces taux et faisant monter le chômage... le système a cédé à son maillon le plus faible, le système des subprimes. Il aurait cédé ailleurs sinon.
Mais il nous a laissé sur les bras tous les paris sur l'avenir ratés qu'on avait fait. L'Islande, l'Irlande, ont déjà bu une tasse amère. Ce n'est pas fini. Les pays du sud suivent sur la liste, et les grandes économies occidentales ne sont pas loin. La crise n'a été surmontée qu'au prix d'une hausse considérable de l'endettement des états, préparant une nouvelle bombe à retardement. Nous n'avons rien réglé, bien au contraire. Et les prévisions de la production pétrolière ne sont pas à la fête, comme je le développerai dans un prochain post. Accrochez vos ceintures ....