En cette date anniversaire d'un évènement terroriste ayant précipité la chute des symboles les plus spectaculaires de l'orgueil américain, nous allons parler d'une autre chute possible. Les inquiétudes croissantes sur le problème des dettes souveraines et les perspectives de récession ont en effet refait plonger une nouvelle fois les bourses. Il parait de plus en plus évident que les indices boursiers sont devenus comme une machine folle variant au gré des mouvements de panique, amplifiés par l'informatisation croissante qui accélère encore plus le caractère foncièrement instable de la bourse (puisque plus les cours montent, plus on a tendance à acheter, et vice-versa, jusqu'on atteigne des seuils où les tendances se renversent brutalement). Il n'est cependant pas inintéressant de regarder l'évolution d'un indice comme le CAC 40 depuis sa création en 1987 :
(source : wikipedia)
On voit très clairement qu'après une période de croissance "raisonnable" dans les dernières décennies du XXe siecle, se sont constituées deux bulles impressionnantes, suivies d'une chute tout aussi impressionnante : une autour des années 2000 autour du développement d'internet, et l'autre de 2005 à 2007, accompagnant la flambée des cours des matières premières et de l'immobilier. Comme des tours jumelles, dont l'écroulement a été à peu près contemporain de celui de la bulle internet, ce graphique nous offre une image saisissante de ce qui pourrait être la décadence du système financier occidental.
Ces mouvements ont été causés par une augmentation considérable de liquidités rendu possible par le mécanisme de création par l'emprunt. Rappelons en effet que ce sont essentiellement les banques, et non les états, qui créent l'essentiel de la monnaie circulant dans le monde, par la simple acceptation de prêter. Les prêts ne sont pas prélevés sur le compte de quelqu'un d'autre (aucune banque n'a jamais prelevé de l'argent sur votre compte en banque sous prétexte qu'elle en avait besoin pour accorder un crédit à votre voisin, n'est ce pas?), mais créés ex-nihilo, et redétruits par le remboursement. Ce système n'est pas aussi absurde qu'il en a l'air au premier abord, il permet un controle relativement bon de l'inflation, les menaces de divergence de la monnaie en circulation étant régulées par les taux d'interêt, qui agissent comme un bouton de contrôle sur la monnaie en circulation. Cette adaptation souple a probablement été un atout pour la croissance économique du siècle précédent. Mais on en voit les conséquences sur le système financier : il a été à la source de création de liquidités hallucinantes , tout aussi facilement redétruites. Normalement, ça devrait être considéré comme de l'inflation, mais comme l'argent créé lors des spéculations financières est resté dans la sphère financière, grâce à la financiarisation croissante de l'économie, et il n'a pas réellement impacté l'inflation "réelle" qui ne prend bien sûr pas les bourses en compte. Le système financier est devenu un monde à part jouant à créer et à détruire de la monnaie virtuelle....
Il est néanmoins intéressant de constater que l'extrapolation des années pré-1990 ne donne pas un résultat ridicule quand on le compare à maintenant. On a un peu l'impression que le système a été "nettoyé" de ses spéculations sans fondement, et que la crise boursière est un peu un retour à la normale...
Sauf que l'instabilité qui a existé pour les bulles existe aussi pour les krachs. Lorsque l'Islande (un pays qui m'est cher) a connu le pire krach de son histoire en 2008, son indice boursier est tombé de ....76 % , tombant en un seul jour, le 14 octobre 2008, de 3000 points à l'ouverture à 670, avant de descendre même en-dessous de 500 plus tard. Au plus haut du boom financier qui avait précédé, il était monté à 9000 points.
Source WIkipedia
Pourquoi une telle chute ? parce que la valeur boursière des trois principales banques islandaises, mouillées jusqu'au cou dans les subprimes, était tombée à simplement zéro. Zéro, parce que personne, absolument personne , ne voulait en acheter, à aucun prix. Elles ne valaient plus rien.
Une telle éventualité est parfois discutée comme un cas d'école : le système boursier peut-il s'effondrer jusqu'à ce qu'un indice comme le Dow Jones ou le CAC 40 tombe à strictement zéro ? en théorie, oui : il suffit que plus personne (!) ne veuille acheter la moindre action à aucun prix, qu'on n'ait plus aucune confiance dans aucune d'entre elles.
Je ne crois pas vraiment à cette hypothèse, mais néanmoins il faut réaliser qu'il n'y a pas de borne inférieure à la chute d'une bourse. La crise que nous connaissons actuellement n'est que le tout début des crises modèles qui se profilent. Les seuls pays à être en état de faillite ou quasi-tels, comme la Grèce, sont encore des petits pays dont le poids économique dans le monde est négligeable. La production pétrolière n'a pas encore vraiment commencé à décroitre. Les dettes des grands pays gardent des notes très bonnes à bonnes, même si la dégradation de celle des Etats Unis sonne comme un coup de semonce; bref, nous n'avons connu que des prémisses, des précurseurs, du seisme qui pourrait emporter le système financier à l'avenir. Mais que peut-il se passer lorsque les investisseurs perdront toute confiance dans le fait que les grands états peuvent rembourser leur dette, et que leurs investissement auront la moindre rentabilité dans le futur, si le monde ne croit plus en ses perspectives de croissance ? il faut s'attendre à tout ...