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28 juillet 2012 6 28 /07 /juillet /2012 09:05

L'histoire commence par un communiqué de la NASA intitulé : "Satellites see Unprecedented Greenland Ice sheet Surface Melt"  (Les satellites voient une fonte sans précédent de la surface de la couche de glace du Groenland), illustrée par cette image saisissante :

http://www.nasa.gov/images/content/670398main_greenland_2012194-673.jpg

A gauche : l'état de la surface le 8 juillet. A droite : l'état 4 jours après, le 12 juillet. L'article dit qu'alors que la fonte ne concerne que 40 % de la surface normalement, cette année, pendant quatre jours, elle a concerné 97 % de la surface.

Il n'y a aucune erreur dans le communiqué, bien sûr, mais la rédaction est telle qu'elle laisse l'impression aux lecteurs inattentifs que "97 % de la glace du Groenland aurait fondu". Ce qui est évidemment totalement absurde, la couche de glace sur le continent atteignant plusieurs milliers de mètres, et la fonte de cette glace provoquerait une montée de 7 mètres du niveau des océans. Un tel évènement est bien évidemment impossible en quatre jours, et ne serait pas passé inaperçu ! 

alors de quoi s'agit -il ? simplement de fonte superficielle. Tous les ans, en été, la température de surface d'une partie de la glace atteint 0°C et elle fond superficiellement à certains endroits. L'essentiel de cette eau va couler comme sur la Terre et former des "mares", qui regèleront en hiver.

http://msnbcmedia3.msn.com/j/MSNBC/Components/Photo/_new/091022_GreenlandMeltPonds.grid-6x2.jpg

Les satellites sont capables de distinguer la glace de l'eau liquide en surface car elle renvoie différemment les ondes radar, et peuvent donc cartographier les régions où cette fonte apparaît. Ce phénomène est normal et concerne donc environ 40 % de la surface tous les ans. La quantité de glace fondue est ridicule par rapport aux milliers de mètre d'épaisseur de l'indlandis. Mais cette année, et pour la première fois depuis les satellites (30 ans environ) , elle a concerné pratiquement toute la surface, y compris le "sommet" de la calotte.

Est-ce pour autant "sans précédent" ? d'après les glaciologues,  en fait, ces évènements se produisent rarement, mais on a des traces dans l'enregistrement des carottes glaciaires d'évènements de fonte au sommet, le dernier datant de 1889. Dans le passé, ils se sont produits en moyenne une fois tous les 150 ans depuis 10 000 ans, mais de façon irrégulière, car il n'y a pas eu d'évènements de ce genre pendant 700 ans autour du "petit âge glaciaire", en revanche , il y en a eu quatre pendant l'optimum médiéval.

Il s'agit donc d'un évènement rare à l'échelle humaine, mais pas à l'échelle géologique, plus courant dans les périodes chaudes bien sûr et absent dans les périodes froides. Indéniablement, la période actuelle est plutôt chaude, mais le retour de cet évènement une centaine d'années après le précédent n'est pas anormal (ce qui le serait, c'est qu'il se multiplie à l'avenir).

Le réchauffement du Groenland est-il géologiquement exceptionnel? il y a quelques années, un bloggueur avait représenté l'enregistrement des températures telles qu'on peut les lire sur les carottes glaciaires, d'après les données GISP2 publiées par Alley en 2000 

voila sur les 600 dernières années :

http://www.foresight.org/nanodot/wp-content/uploads/2009/12/histo61.png

Effectivement, on voit une montée spectaculaire en "crosse de hockey" de l'époque moderne - ça semble bien pointer une origine anthropique ! notons quand même que la montée, comme souvent avec les proxies, semble démarrer plutot au milieu du XIXe siècle et non à l'époque moderne, qui n'apparait pas de toute façon dans les courbes puisque les glaces ne commencent à être fiables qu'avant 1900. A priori il n'y a donc pas de lien directe entre cette montée et le CO2.

Que se passe-t-il si on remonte le temps ?

voici la courbe depuis 800 

http://www.foresight.org/nanodot/wp-content/uploads/2009/12/histo5.png

oups, la montée du XIXe siecle semble tout à coup assez ridicule devant celle autour de l'optimum médiéval de l'an 1000. Rappelons que c'est à cette époque que le Groenland a été découvert et colonisé par le viking Erik le Rouge, qui lui a donné ce nom de "pays vert" - même si évidemment il n'était surement pas couvert de prairies, le climat était probablement plus doux et chaud que maintenant, jusqu'à ce que le petit âge glaciaire extermine les colonies vikings qui s'y étaient installées. Meme en tenant compte de la période 1900-2000 qui n'est pas sur ce graphique, l'optimum médiéval était probablement plus doux que maintenant, au moins au Groenland.

Si on remonte le temps, on s'aperçoit que les fluctuations d'amplitude et de vitesse comparables à l'actuelles étaient courantes dans les derniers millénaires :

 

depuis - 3000 :

http://www.foresight.org/nanodot/wp-content/uploads/2009/12/histo4.png

même l'optimum médiaval semble petit maintenant par rapport aux périodes plus chaudes du passé, dans un contexte de refroidissement général depuis 5000 ans, probablement lié aux variations astronomiques d'ensoleillement (cycle de précession des équinoxes qui modifie l'ensoleillement relatif en été et en hiver). En revanche la variabilité en dent de scie est trop rapide pour être astronomique : elle signe de mécanismes internes de variabilité (cycles océaniques ?) qui ne sont pas encore bien déterminés. Et la variabilité moderne n'a rien de spécial à cette échelle.

Sur les périodes plus grandes, on voit que l'époque actuelle (appelée par les géologues "l'holocène") est globalement une période chaude interglaciaire, de durée d'ailleurs plutôt anormalement longue (là encore, pas d'explication connue sur cette durée à ma connaissance). Voilà à quoi ressemble l'holocène depuis la fin de la dernière glaciation (marquant l'apparition de l'agriculture et la transition vers le néolithique, il y a environ 12000 ans) :

http://www.foresight.org/nanodot/wp-content/uploads/2009/12/histo2.png

 

et sur les derniers 400 000 ans :

http://www.foresight.org/nanodot/wp-content/uploads/2009/12/vostok.png

Evidemment la crosse de hockey initiale est devenue un détail insignifiant de la courbe. La fonte "sans précédent" de cette année est probablement un phénomène "très courant" des périodes interglaciaires, à cette échelle. Et il n'y a rien dans ces courbes qui montrent que les températures actuelles soient exceptionnelles par rapport au passé. Ca ne signifie pas bien évidemment que le CO2 ne soit pas un gaz à effet de serre et qu'il ne contribue aucunement au réchauffement. Ca prouve seulement qu'il y a d'autres causes de variabilité et que le CO2 n'a pas (ou pas encore) eu d'effet significativement supérieur à ces causes naturelles, d'après en tout cas ces observations. 

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commentaires

J
<br /> wouah : c'est de la propagande (repompee en plus sur un autre blogueur) ?... votre premiere courbe s'arrete a 1900, et rate deja la plupart du rechauffement moderne)... dommage que vous ne<br /> preniez pas en compte le fait que l'on est en periode de refroisissement du aux variations orbitales de la Terre (et que l'on sait tres bien quantifier...)<br /> <br /> <br /> bon pour une explication un peu plus scientifique de ces courbes de temperatures : http://www.climat-evolution.com/article-de-l-utilisation-des-temperatures-du-groenland-108814198.html<br />
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C
<br /> <br /> Bonjour<br /> <br /> <br /> je ne vois pas ce qu'il y a de mal à renvoyer à des travaux publiés sur d'autres blogs...<br /> <br /> <br /> bien sûr que la courbe s'arrête en 1900 (et peut être même en 1850 d'après Météor, il se pourrait que l'auteur des courbes ait fait une erreur de 50 ans, mais je n'ai pas vérifié l'origine des<br /> dates.). Effectivement il faut rajouter le réchauffement moderne, mais même sur le travail que vous citez sur climat-évolution, il n'apparait pas que la variabilité actuelle soit très supérieure<br /> à la variabilité passée.<br /> <br /> <br /> C'est d'ailleurs un point général : pour le moment, les variations observées n'excèdent pas significativement (mettons à trois sigmas ...) les variations passées. Ce sont uniquement les<br /> extrapolations sur les 100 ans à venir qui deviennent "nettement plus élevées" que les variations passées. Mais j'ai déjà eu l'occasion de faire remarquer que ces extrapolations étaient en<br /> général basées sur des extrapolations de consommation de fossiles improbables et sur une attribution "maximale" des variations passées au CO2 - attribution en elle-même incertaine. <br /> <br /> <br /> Pour le fait qu'on sache très bien quantifier l'effet des variations orbitales de la Terre, là, je suis un peu perplexe ...<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> Donc vous avez bien corrélé le CO2 aux températures (sans en donner les chiffres)... <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Ah mauvaise foi quand tu nous tiens...<br /> <br /> <br />  <br />
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C
<br /> <br /> Ah ok si vous appelez ça "corréler" - je faisais une remarque incidente que la montée entre 1850 et 1900 pouvait difficilement être attribuée au CO2 effectivement. En 1900 la concentration en CO2<br /> n'avait augmenté que d'environ 10 ppm, 10 % de l'augmentation actuelle d'environ 100 ppm. Sur toutes les simulations climatiques, l'effet de forçage du CO2 etait encore négligeable à cette<br /> époque.<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> Gilles<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Si vous ne savez même plus ce que vous écirvez, c'est gravissime....<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> """"<br /> <br /> <br /> Effectivement, on voit une montée spectaculaire en "crosse de hockey" de l'époque moderne - ça semble bien pointer une origine anthropique ! notons quand même que la montée, comme souvent avec<br /> les proxies, semble démarrer plutot au milieu du XIXe siècle et non à l'époque moderne, qui n'apparait pas de toute façon dans les courbes puisque les glaces ne commencent à être fiables qu'avant<br /> 1900. A priori il n'y a donc pas de lien directe entre cette montée et le CO2.<br />
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C
<br /> <br /> je sais très bien ce que j'écris, et je le maintiens : a priori la montée avant 1900 n'est pas liée au CO2 puisque le forçage dû au CO2 était encore loin d'atteindre l'amplitude des variations<br /> naturelles. <br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> deux questions stp:<br /> <br /> <br /> 1-quelle est l'incertitude des mesures isotopiques?<br /> <br /> <br /> (j'avais pour ma part entendu parler de +-2°C et dans ce cas ce qui est "mesuré" lors du MWP ne veut pas dire grand-chose)<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> 2-la courbe de Alley commence à -0.095 ky AD soit en 1900.<br /> <br /> <br /> quid de la température au GISP2 de 1900 à nos jours?<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />  <br />
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C
<br /> <br /> 1- )  je ne sais pas quelle est l'incertitude affichée sur les mesures isotopiques, et d'abord sur quelle température ? locale ? globale? au moment des précipitations ? en moyenne sur<br /> l'année ? il est évident que comparer des mesures indirectes aux mesures directes est toujours délicat (d'ailleurs c'est pour ça que je suis perplexe sur la limite à ne pas dépasser de 2°C de RC<br /> "parce que dans le passé on n'a pas dépassé cette limite" - puisque justement on n'a que ce genre d'enregistrement pour le dire). Mais mon argument est juste qu'il n'y a rien d'extraordinaire<br /> dans les enregistrements récents par rapport au passé. A la limite la question de la calibration est secondaire, c'est juste un problème relatif.<br /> <br /> <br /> 2-) je suppose que la reconstruction par isotope n'est pas assez précise les 100 dernières années parce que la glace ne s'est pas assez compactifiée. Sur cette reconstruction qui semble une combinaison de données instrumentales et de proxies , on voit bien un réchauffement<br /> récent mais qui n'excède pas de beaucoup celui du début du siècle - à l'échelle des graphiques précédents elle resterait dans la variabilité normale.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> Je ne comprends pas bien votre réponse 'les courbes sont celles de la température mesurée au sommet du Groenland'. Comment les températures ont pu etre mesurées au sommet du Groenland durant le<br /> MWP?<br />
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C
<br /> <br /> Ce qui est mesuré c'est le rapport isotopique entre 18O et 16O dans les carottes de glace : le rapport est sensible à la température et donne une mesure au moins approximative de cette<br /> température. <br /> <br /> <br /> <br />