C'est l'estimation du nombre de nuitées perdues par l'industrie touristique française à cause du temps maussade de juillet.
Il faut relativiser ce chiffre : ce n'est que 2% du nombre de nuitées attendues, et ça n'a fait que réduire la progression attendue depuis 2010 (encore bien impactée par la crise), de +4 % à + 2%. On n'est donc pas dans une catastrophe nationale. C'est cependant ce genre de "petites nouvelles" qui permet de faire des réflexions sur l'impact social du climat.
Première chose : le mois de juillet n'a absolument pas été conforme aux prévisions saisonnières, qui tentent d'evaluer des "temps moyens" pour les 3 mois qui viennent. Les prévisions pour l'été, avec la sécheresse naissante, s'accordaient sur un mois de juillet plus chaud que la moyenne, et une pluviométrie incertaine mais dans l'ensemble plus sèche. Deux mois après, plus personne n'ose prononcer en public le mot de "sécheresse" , même si les nappes phréatiques continuent à être très basses à cause du déficit de précipitations hivernales, les précipitations de surface ont été nettement supérieures à la moyenne, et la température nettement inférieure. Les prévisions saisonnières sont donc encore loin d'être fiables. En réalité après quelques jours de prévisions, la nature chaotique de la météo reprend le dessus et aucune prévision ne s'est avérée être fiable. Les prévisions ne sont pas fiables à une semaine à cause des fluctuations à haute fréquence des distributions de température et de pression, elles ne sont pas fiables à quelques mois parce que nous ne savons pas encore identifier les grandes dynamiques donnant lieu à ces perturbations, elles ne sont pas fiables à quelques années parce que nous ne savons pas prévoir les oscillations océaniques genre La Niña/El Niño, elles ne sont pas fiables à 10 ans parce que c'est encore trop court. Mais on nous affirme qu'elles sont fiables à 30 ans , bien qu'on ait un facteur deux d'incertitude sur la sensibilité climatique et qu'on soit loin de comprendre les oscillations de longue période. Une question de bon sens surgit : sur quelle base a-t-on validé la fiabilité multidécennale, si aucune fiabilité n'a été avérée avant ? je suis prêt pour ma part à croire à cela ... mais pas à le croire juste sur parole ! alors, quel est l'argument fondamental justifiant que nos modèles deviennent fiables après plusieurs décennies ?
Deuxième chose : on constate sans trop de surprises que les gens n'aiment pas trop le mauvais temps. Mais si le mois de juillet avait été chaud et sec comme prévu , evidemment ça aurait aggravé la sécheresse et on aurait certainement glosé bien plus sur le réchauffement climatique. Ce qui prouve que la réalité est complexe, et que les choses ne sont jamais ni blanc ni noir (je le précise au cas où certains douteraient que je puisse penser des choses pareilles ...). Mais le problème est que nous sommes souvent conduits à prendre des estimations globales, et à prendre des décisions qui sont, elles, binaires, telles que : devons nous oui ou non relancer la construction de centrales nucléaires? autoriser les gaz de schistes ? lever une taxe carbone ?
Se décider "objectivement" sur ces choses demanderait d'avoir une estimation objective et chiffrée d'un indicateur global qui nous permette de décider. Mais c'est en réalité extrêmement difficile, et même impossible pour plusieurs raisons. D'abord il s'agit souvent de pondérer des critères hétérogènes dont la valeur affective dépend des individus : la voiture est-elle globalement bonne ou mauvaise ? le fait de pouvoir partir en vacances rapidement à des centaines de km de chez soi, emportant enfants, bagages, la planche à voile, le chat (chose difficile à faire sans voiture ..) compense-t-il oui ou non le bruit, la pollution, les hérissons écrasés, etc.... ? personne n'a une vraie réponse à ça... c'est juste que la réalité des comportements indiquent ce que les gens estiment en moyenne. De même pour l'impact climatique : on peut craindre qu'un climat plus chaud réduise l'enneigement des stations de ski et défavorise l'industrie touristique d'hiver. Mais quid si elle diminue le nombre d'étés pourris et favorise celle d'été ? d'autant plus que diminuer la fréquentation des stations de ski en hiver peut être bénéfique pour la conservation du milieu naturel de nos montagnes, et augmenter le tourisme estival peut être dommageable pour le milieu marin , et réciproquement ...
et puis, comment tester l'impact positif de la diminution d'évènements défavorables ? si il est facile de compter des inondations qui arrivent dans certaines partie du globe, comment compter par exemple les inondations qui NE SONT PAS ARRIVEES dans d'autres parties , et qui seraient arrivées si le climat avait été différents ? quelqu'un a-t-il une source donnant la liste des catastrophes qui ne sont pas arrivées partout dans le monde, grâce à la variation de 0,5 °C depuis 30 ans ? (après tout, il est très improbable que la nature soit si méchante que toute variation ne produise QUE des résultats négatifs, non ?)
C'est d'autant plus difficile à faire quand il s'agit de prévoir à plusieurs décennies, parce que là il s'agit d'évaluer les impacts non sur la société actuelle, mais sur la société de la fin du siècle, ce qui suppose de la connaître. Qui aurait pu prévoir l'existence d'une industrie touristique du ski il y a 100 ans , par exemple ? Il ne me semble pas que le meilleur des climatologues soit capable d'un tel exploit. Or cela n'a aucun sens de faire des évaluations avec la société actuelle figée - ne serait ce que la croissance économique prévue dans les scénarios intensifs, par exemple, produirait un niveau de vie moyen sur la Terre supérieur à celui des américains actuels ! qu'on y croit ou pas (je n'y crois pas), c'est un autre problème, mais c'est bien évidemment absurde de continuer à imaginer des bengalis ou des gabonais vivant exactement comme maintenant , dans un tel contexte.
En réalité, tout cela procède vraisemblablement d'une illusion de contrôle très au delà de nos capacités réelles; l'évolution des sociétés s'apparente bien plus à l'évolution stochastique darwinienne qu'au déroulement d'un processus déterministe planifié. L'humanité s'est toujours adaptée "en temps réel" à ce qui lui arrivait, y compris des changements climatiques, y compris des changements climatiques qu'elle s'appliquait brutalement à elle-même , par exemple au cours des migrations européennes du XIXe siecle vers des pays de climat totalement différent. Bien évidemment, il y a des inconvénients à tout, bien sûr, le progrès technique a produit des pollutions, détruit des cultures traditionnelles, rompu des liens sociaux ancestraux - personne ne peut le nier. Mais l'évolution biologique produit la même chose : de nouveaux prédateurs, la disparition des espèces inadaptés, parfois des catastrophes massives "remettant à zéro " le système. On peut le reconnaitre - prétendre l'éviter à tout jamais relève d'une illusion de toute-puissance infantile qui sera toujours prise en défaut par les faits. On peut avoir le jugement qu'on veut sur la société industrielle, mais il se trouve qu'en réalité, la très grande majorité de ceux qui ont accédé à son confort n'ont aucune envie d'y renoncer, et si ils se plaignent de quelque chose, c'est le plus souvent de ne pas en avoir assez. Le jugement n'a jamais été formulé explicitement ni démontré objectivement (ce serait impossible). Il a juste été illustré en pratique par le seul comportement quotidien et les choix au jour le jour de chacun - incluant ceux qui la dénoncent le plus fort.