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29 décembre 2011 4 29 /12 /décembre /2011 09:26

La nouvelle vient de tomber : 2011 est l'année où la température moyenne a été la plus chaude en France depuis les mesures instrumentales. La température moyenne de l'année à atteint 13,6 °C, soit 1,5 °C de plus que la moyenne des années depuis 100 ans. De manière un peu atypique cependant : ce sont les saisons intermédiaires, printemps (très beau mois d'avril et de mai) et automne (en particulier novembre) qui ont été particulièrement chaudes, alors que l'été a été plutôt maussade, avec un mois de juillet dont les vacanciers ne gardent pas spécialement un bon souvenir. Pas de canicule donc comme en 2003, plutot un souvenir de printemps et d'automne doux, voire chaud.

http://www.futura-sciences.com/uploads/RTEmagicP_2011-annee_la_plus_chaude_ide_02_txdam26615_80f506.jpg

 

Autre curiosité : si la France a battu des records, il n'en est pas de même pour le monde dans sa globalité, l'année 2011 ne se place qu'en dixième position, phénomène sans doute explicable par une phase "La Niña" correspondant à des années plutôt froides au niveau mondial. Notons quand même que 2011 est l'année "La Niña" la plus chaude.

Alors que penser de tout cela? manifestement le record annuel de la France n'est pas typique du monde entier, il n'est donc pas la preuve d'une accélération du RC. On peut plutôt y voir la confirmation d'un RC moyen mesuré depuis 30 ans, superposé à des fluctuations naturelles aléatoires qui ont, cette année, touché plutôt l'Europe occidentale (alors que l'année 2010 avait, elle, été nettement plus fraîche). Il n'y a donc aucune information réellement nouvelle du point de vue cilmatique : on sait que l'Europe s'est réchauffé en moyenne de plus de 1°C depuis 30 ans, et qu'il y a en plus des fluctuations naturelles , et donc il est normal que des records soient battus, la probabilité d'atteindre des niveaux élevés augmentant naturellement quand la moyenne augmente. Mais cela ne modifie en rien l'estimation de la hausse moyenne sur 30 ans , bien sûr.

Ce qui est plus intéressant, c'est de considérer ça comme une année "test" de ce que veut dire 1,5 °C de plus. Contrairement à 2003, ça n'a pas été accompagné d'une canicule en été, et donc, finalement, les gens ont trouvé plutôt agréable de se promener en T shirt en avril ou en novembre. A ma connaissance, ça n'a pas bouleversé l'agriculture, les vendanges ont été plutôt bonnes. La neige n'est pas tombée avant le 20 décembre, certes, mais des chutes de neige abondantes ont redonné le sourire aux stations de ski juste avant le début des vacances. Bref, difficile de déceler cette année des catastophes climatiques devant plonger la France dans le chaos, voire signer la disparition de sa population comme certains le prévoient parfois.

Il faut rappeler que effet mesurable ne signifie pas forcément effet catastrophique. Que les mésanges charbonnières gagnent 100 mètres en altitude, ça peut être mesurable, sans que ça bouleverse la vie des gens (ça aurait fait quoi que les mésanges charbonnières vivent déjà 100 mètres plus haut en altitude,  AVANT le RC,  au fait ?). Donc on aimerait quand même une justification un peu plus convaincante des dégâts potentiels dus au RC. A noter que les 1,5 °C de plus ne sont nullement négligeables par rapport à l'amplitude moyenne du RC prévu au XXIe siecle, de plus mesuré par rapport à la moyenne du XXe siecle. Si on mesure par rapport à son début, on est autour de 2°C, donc déjà le même ordre de grandeur de ce qu'on nous prévoit pour le prochain siècle (rappelons que la pente moyenne mondiale des 30 dernières années n'est toujours que de 0,15°C / décennie,  donc 1,5 °C par siècle).

La méthode la plus simple pour estimer des effets "au premier ordre" est la bonne vieille règle de trois, la règle de proportionnalité qui revient à appliquer une hypothèse linéaire; évidemment les choses peuvent être modifiées par des effets non linéaires, des effets de seuil, des rétroactions, mais en premier ordre de grandeur, on peut commencer par des approximations linéaires, quitte ensuite à étudier d'un peu plus près les effets non linéaires.

Alors au premier ordre, quels ont été les effets d'un RC de 2°C depuis le début du siècle en France ? j'avoue que j'ai beau me creuser la tête, j'ai du mal à en donner une estimation en terme de coûts et de catastrophes. En fait soyons francs : je ne vois pas du tout en quoi avoir 2°C de moins il y a 100 ans faisaient que nos ancêtres vivaient mieux, et donc pourquoi avoir 2°C de plus maintenant nous gêne vraiment. Les différences de vie que je vois, elles sont bien sûr dues essentiellement au changement total de mode de vie dû à l'industrialisation, et donc à l'emploi des énergies fossiles - et ces différences de vie sont considérées en général comme POSITIVES. Après tout, quand on dit qu'on ne va quand même pas revenir au Moyen Age, ça suppose quand même qu'on préfère vivre maintenant qu'il y a quelques siècles... bien que le taux de CO2 soit nettement supérieur. Ca semble prouver que c'est quand même loin d'être le principal problème, non ?

En revanche, si on applique la simple "règle de 3" aux conséquences d'une diminution des fossiles, qu'elle soit imposée ou volontaire,  alors là on trouve tout autre chose  ! la corrélation linéaire entre fossiles et niveau de vie est évidente, même si il y a une certaine dispersion. On peut estimer que la richesse mondiale a été environ mutlipliée par 100 LINEAIREMENT (en premiere approximation) avec la consommation d'énergie (se répartissant environ en un facteur 10 pour l'augmentation de la population et un autre facteur 10 pour la consommation par habitant). Se passer de fossiles actuellement, reviendrait, au bas mot, à supprimer 90  % de la richesse mondiale, dans l'approximation linéaire.

Alors là viennent bien sûr les arguments de non linéarité. Ce que je dis est complétement stupide, bien sûr, parce que j'oublie totalement les rétroactions climatiques, le méthane, la fonte des glaces, tout ça va s'accélérer, ça va être une catastrophe, c'est sûr, d'ailleurs tous les journaux le disent. Pareil pour les fossiles, c'est idiot, parce qu'il y a plein de moyens pour s'en passer, suffit de développer la technologie, de faire de la recherche, de développer des renouvelables, on ne peut pas du tout appliquer la règle de proportionnalité, ça n'a aucun sens (je résume ici en quelques lignes les arguments qu'on m'a opposés quand j'ai présenté ce genre d'estimation à d'autres occasions).

Je ne vais pas démontrer que ces arguments sont faux, il est tout à fait possible que toutes ces non linéarités existent et inversent finalement totalement les conclusions. Parce que finalement, le fond du discours climatique, ça revient à dire qu'il serait bien plus grave d'avoir quelques °C de plus que se passer de fossiles, ou encore, de façon symétrique, qu'il serait bien plus facile de faire face à la dépletion fossile qu'aux conséquences de quelques °C de plus.  Alors qu'en réalité les estimations linéaires à la louche de ce qui s'est produit au XXe siècle disent exactement le contraire. Ce qui est intéressant ici, c'est que l'inversion des conclusions ne peut venir que de l'invocation de phénomènes fortement non linéaires modifiant les conclusions linéaires, mais en sens inverse pour les deux : des phénomènes fortement non linéaires sont nécessaires pour justifier les catastrophes climatiques; Mais ils sont aussi nécessaires pour éviter les catastrophes liées à la dépletion fossile. La dissymétrie est absolument frappante : adopter le discours climatique actuel revient donc à supposer que des hypothèses de non linéarité hasardeuses,  et non fondées sur des connaissances actuelles,  permettent de tirer des conclusions plus robustes et plus fiables, que des simples constatations linéaires fondées sur les données actuellement connues - qui disent simplement que le niveau de vie de l'humanité est bien plus sensible à sa consommation de fossiles qu'à la température moyenne à laquelle elle vit, dans des limites raisonnables de quelques °C.

 

Est-il besoin de préciser que mon esprit de physicien est légèrement heurté par cette assertion ? 

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commentaires

P
<br /> Je suis bien d'accord avec vous pour dire que le fossile n'est plus la solution, et que dans tous les cas, les réserves seront bientôt épuisées! Mais honnêtement pensez vous qu'à l'heure actuelle<br /> nous pouvons décider, comme ça, d'abandonner le fossile? Au profit e quoi? des énergies renouvelables? Leur part n'est quand même pas très significative.. Est ce réellement au point? <br />
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B
<br /> Dans tout les cas, il faut passer au post fossile, à court ou long terme, c'est la solution! Bientôt les ressources fossiles seront épuisées et nous ne pouvons plus compter dessus. Il faut<br /> rechercher de manière efficace une source d'énergie qui pourra le remplacer .<br /> <br /> <br /> En tout cas merci pour ce blog et vos commentaires, très intéressants<br /> <br /> <br /> Bonne continuation,<br />
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P
<br /> Je suis comme Alex assez d'accord avec ce que dis skept dans son commentaire. <br />
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A
<br /> Je suis d'accord avec Skept, c'est assez bien pensé, tout ça!<br />
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S
<br /> Chria : eh oui mais la physique du climat étant ce qu'elle est, le long terme est conditionné par les ppmv de CO2 ou CH4 que nous ajoutons à court terme.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> On peut le voir avec deux exemples récents, de l'an passé. Aux Etats-Unis, il y a débat sur l'oléoduc Keystone XL qui amènera directement le pétrole de l'Alberta canadien vers les raffineries<br /> texanes. En France, il y a débat sur l'exploitation des réserves de gaz de schiste. En terme de "gouvernance", opposer un refus représente un coût pour l'économie, puisque les projets (privés)<br /> sont rentables en l'état du marché de l'énergie. On se prive (selon le cas) de ressources, d'emplois, de devises, ce qui n'est pas vraiment heureux dans une période de crise économique menaçant<br /> les équilibres sociaux et les comptes de l'Etat-proidence. Si l'exploitation de ces deux ressources ne présente pas des problèmes très graves au plan environnemental et climatique, le choix de<br /> gouvernance est donc mauvais, on sacrifie le bien-être de la génération présente sans réellement améliorer celui des générations futures.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Dans l'hypothèse où les choix de Durban deviennent réalité (traité en 2015, ayant foce obligatoire en 2020), ce genre de dilemme sera bien plus fréquent et aigu. Ils ne concerneront plus<br /> seulement ls pays développés, mais aussi bien les pays en développement. Car concrètement, quand tu regardes les feuilles de route des plans énergie-climat, des grandes nations comme l'Afrique du<br /> Sud doivent limiter tout de suite leurs émissions CO2, et d'autres comme l'Inde très vite (d'ici 2025-2030).  Le PIB par habitant de ces pays est pourtant bien loin du nôtre, donc il y a<br /> intérêt à avoir de bons arguments (énergétiques et climatiques) pour que les gouvernements concernés cessent ou diminuent fortement l'exploitation du charbon, ce qui signifiera (comme pour les<br /> deux exemples ci-dessus) moins de ressources, moins d'emplois et éventuellement moins de devises si le charbon était exporté.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Si le choix des décideurs s'orientait vers une taxe carbone ayant pour finalité de représenter le vrai coût (externalités) du fossile et de faciliter les transitions (rendant le prix de l'énergie<br /> plus prévisible à moyen terme donc l'investissement dans le renouveable plus sûr), mais sans objectif climatique précis, il y aurait à mon sens un axe de gouvernance assez clair. Mais comme le<br /> choix de Copenhague a plutôt été de fixer un ∆T (et donc une quantité de carbone) limite, on s'oriente vers des tensions assez importantes quand il faudra justifier le respect strict des feuilles<br /> de route. Ce que le Canada a fait pour Kyoto (quitter le traité pour ne pas avoir à payer l'amende dû au non-respect des clauses) a de bonnes chances de se reproduire dans un Kyoto généralisé à<br /> la planète, il suffit qu'un gouvernement dise "niet" face à un plan de transition énergétique qu'il juge irréaliste et dangereux pour son économie.<br />
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